vendredi 9 mars 2012

Me so'mbriacata

Les beaux jours sont en avance au rendez-vous et l'aventure recommence.

J'ai rencontré une super nana, Giulia, qui a fait son erasmus à Aix l'année dernière. Elle m'a trimbalée de soirée en concert et m'a ouvert à un nouveau monde de belles personnes musiciennes et engagées politiquement. Nouveaux horizons. Je suis allée voir les Bandabardo' avec elle dans une discothèque perdue à quelques kilomètres de Bari. Autant dire que sans voiture, on peut mettre une croix sur bien la moitié des évènements culturels.

J'ai participé à ma première fête de « laureata » (celle de Giulia). Et oui les italiens fêtent leur fin de licence en grandes pompes. Tout d'abord ils doivent présenter leur mémoire devant un jury, robe choisie quelques mois à l'avance et coiffeur oblige. C'est un moment très attendu puisque vu comme l'aboutissement de tant d'efforts mais également très stressant car il s'agit de parler de son travail dans un micro devant un amphithéâtre remplie d'amis famille mais aussi de parfait(e)s inconnu(e)s qui attendent de voir leur proche parler. Une fois le plus dur passé devant le regard plus ou moins sévère du jury qui doit attribuer une note sur 110, on passe au moment umiliation. En effet, les proches auront préparé la nuit précédente des montages avec les photos les plus ridicules de l'heureux/se élu/e ne faisant aucune impasse. Les « sedute di laurea » ont lieu régulièrement, presque tous les deux mois. Ce qui explique pourquoi il y a des dizaines de photos de personnes que tu ne connais ni d'Eve ni d'Adam affichées dans les couloirs et escaliers (évidemment les lieux de passage plus fréquentés) dans des situations les plus humiliantes. Ca vous donne envie de vous diplomer pas vrai? Après la découverte du merveilleux montage qui fait remonter souvenirs et larmes simultanément, on passe au folkore des confettis photos spumante et compagnie. Selon l'envie le/a Laureato/a organise une fête... En l'occurence Giulia a grave géré avec ses potes gérants de l'Ekoinè (un bar de Bari vecchia alternatif, eco-solidaire, lieu culturel, etc) qui ont cuisiné pour tout le monde à foison. Donc fête de 4h de l'après-midi à 2h du mat' dans ce petit coin de paradis, musique au rendez-vous bien évidemment.



Quelques jours plus tard j'étais conviée à un pèlerinage vers le Salento, pas loin de Manduria, dans une masseria, pour une fête populaire de pizzica: c'est une des nombreuses danses tarentelles (à l'origine son rythme effréné servait à exorciser les femmes piquées par des grosses araignées Lycosa tarentula). Accordéons diatoniques, tambourins, des voix, et des danseurs/ses au rendez-vous donc, tous milieux et âges cofondus. Je n'ai pas de mots pour décrire l'atmosphère qu'il y avait cette nuit-là, juste une énergie folle qui se dégageait de toutes ces personnes.


Suite à ce weekend avec Giulia, Andrea et Floriana j'ai décidé de prendre des cours de danse pizzica avec Floriana (une nana formidable qui sait faire un peu tout, de la cuisine à l'ekoinè, yoga, danse, couture, chant,...) à partir de fin mars.

http://youtu.be/m6M8Jv9jEw0 La pizzica di San Vito pendant la nuit de la tarante (mi août généralement, en province de Lecce. Grosse grosse fête de pizzica qui accueille toujours plus de participants chaque année apparemment. Je compte y aller cet été!). La base de la danse n'est en soit pas bien compliqué mais tout se joue dans la théâtralité, du jeu avec le partenaire motivé par les tentatives de prendre le foulard à l'autre.

Giulia m'a également fait découvrir les gens et le lieu de Villa Roth, nouveau squat à Bari (ancienne école), là où cohabitent 17 personnes et où s'organisent activités et assemblées politiques (notamment pour des manifestations antiracisme, sexisme et NO TAV, projection de documentaires,...) et activités culturelles (cours de jardinage, création de bijoux puis vente, concerts, cuisine, etc). Samedi dernier il y avait le documentaire sur la lutte No TAV « fratelli della tav » suivi d'un concert de Daniele di Maglie, au top!


Là-bas j'y ai rencontré Mbacke un écrivain sénégalais qui a vécu quelques années à Nice, puis pas mal de temps à Milan et tout récémment à Bari. Je suis en train de lire son dernier livre « Il pleut sur le Ndoukouman » qu'il a écrit en italien (étant parfaitement trilingue, au minimum), et je lui ai proposé d'en faire la traduction vers le français avec son aide. Avec Sergio un ami à moi ils montent un projet pour tourner dans les écoles de Bari et parler de racisme, en s'appuyant sur l'expérience réalisée aux états unis « Brown eyes blue eyes », docu de 15 minutes: http://youtu.be/8bWlTZZN3DY

A Villa Roth, ce weekend a débarqué Joshua un jeune américain de 25 ans qui s'est pris plusieurs moi pour voyager en Europe et rencontrer tous les mouvements de lutte dans les squats qu'il trouve sur sa route. C'est comme ça qu'il a passé quelques temps à Madrid puis une semaine ici à Bari, et demain il repart pour rejoindre Athène à pieds avec un groupe de militants multiethniques. Voilà son blog, allez on travaille son anglais: http://occutrip.com/from-madrid-to-bari-italy/

Dans la série bonne nouvelle: j'ai réussi de nouveau avec brio mon exam de Philosophie du langage (trenta e lode) et j'ai été acceptée pour faire partie du jury Panorama du Bifest (du 24 au 30 Mars, c'est bientôt!!!). http://www.bifest.it/?page_id=1497&preview=true

J'avais une petite semaine de libre sans cours ni exam, alors hop j'ai fait mon sac à dos et je suis partie en direction de Naples. J'ai fait la moitié du chemin, soit 129 kms de Bari à Candela en stop.
http://fr.mappy.com/itinerary_homepage#d%5B%5D=Bari,+70126,+70132,+...,+70128,+Pouilles,+Italie&d%5B%5D=Candela,+71024,+Pouilles,+Italie&endPos%5By%5D=41.13578&endPos%5Bx%5D=15.514668&ipo=1&p=itinerary
Ca marchait plutôt bien, j'avais été prise par deux personnes. Arrivée à l'autoroute qui m'aurait menée directement à Naples je me fais arrêter par un flic qui m'explique que c'est illégal de faire du stop sur l'autoroute. Ah bon bon je savais pas je suis française désolée. Il me met dans un bus direct pour Napoli et une heure et demie plus tard me voilà arrivée. Je grimpe je grimpe sur la coline et j'arrive à l'heure au rendez-vous avec le coucher de soleil sur le port, le vesuvio et l'île de Capri.


Je m'étais inscrite sur le site couchsurfing (vraiment bien foutu d'ailleurs, ayant pour objectif de rencontrer des personnes du monde entier pour échanger, boire un café mais principalement pour héberger ou être hébergé/e). La semaine précédente j'avais accueillie Cécile, une française de Clermont qui avait fait un petit voyage en Italie en stop avec ses ami(e)s, bien sympa d'échanger avec de parfait(e)s inconnu(e)s sur la vie et les voyages.




Bref je me suis gentillement fait accueillir chez Michelangelo (si si) en plein coeur du quartier historique, avec une super vue sur la mer. Le monsieur est un musicos contrebassiste, pianiste, guitariste (il a joué avec Capossela bordel!!!) et réalisateur rayon documentaires (il a notamment vécu trois ans à Istanboul pour un de ses projets). Bon encore un voyageur politisé musicien (ou peut être pas dans cet ordre). J'ai fait mon anti touriste pendant deux jours dans les rues napolitaines très ensoleillées, non sans manger le fameux Babà et l'orgasmique « vera pizza ».





J'ai rencontré des marins et une marine français/e et ils m'ont fait visité le bateau en mode VIP. Ils transportent des airbus 380 en pièces détachées en ce moment, mais ça change souvent. C'était drôle de rencontrer de vrais marins, toujours en voyage. Deux mois sur les vagues, et deux mois à terre, et rebelotte toute l'année comme ça, sacré rythme. Dans le lot y'avait des pères de famille pas loin de la retraite et des plus jeunes. La nana avait un sacré caractère et courage pour arriver à s'imposer et cohabiter avec le reste de l'équipage exclusivement masculin. Elle me racontait qu'il y a de plus en plus de femmes dans le métier. Petit à petit...
Le lendemain petite soirée avec Michelangelo et ses deux colocs erasmsus allemands. A la différence de Bari, à Naples il y a deux petites places où les jeunes se réunissent la nuit pour boire des canons et discuter tous ensemble. A Bari c'est plus éparpillé..il y a le port/bari vecchia, le centre Ateneo/taverne/piazzo umberto, Poggiofranco, et puis tous les bars aux quatre coins de la ville.

A peine remis un pied en terre Barese, me voilà embarquée dans une manif anti racisme avec le collectif de villa roth et pas mal d'immigrés. Je suis pas encore bien au point sur les chants révolutionnaires, mais ça va venir!



Le lendemain matin à Valenzano (le bled où habite Ale) on est allé écouter Giovanni Impastato le frère de Peppino (Cf: le film « Les cent pas » sur la mafia sicilienne). Les écoles étaient au rendez-vous et les enfants posaient des questions chacun leur tour et c'était vraiment touchant et intéressant. Il tendait à donner un message d'espoir pour une lutte efficace contre la mafia... Grande discussion sur toutes les formes de corruption au sud et en Italie en général. Elle est tellement omniprésente et nous touche de près ou de loin à des degrès différents certes mais il y a des cas où elle passe inaperçue et on ne la repousse pas forcément. L'exemple classique c'est: Et toi tu fais quoi quand on te propose un job en faisant jouer les contacts alors que t'es moins diplomé/e que d'autres pauvres bougres au chomage qui sont parfois même allés jusqu'au doctorat?




Cette semaine à l'occasion de la "journée" de la femme, dans la nuit 7 au 8 mars avec une bonne quarantaine de nanas et deux trois mecs éparpillés nous avons parcouru un quartier de Bari et pendant deux heures y avons rebaptisé les rues avec des noms de grandes femmes qui ont changé le cours de l'Histoire: http://bari.repubblica.it/cronaca/2012/03/08/foto/festa_delle_donne-31163185/1/
Moi j'avais choisi Emma Goldman et chacune d'entre nous avais proposé un nom qui lui tenait à coeur.


Sans les femmes il n'y a pas de révolution



jeudi 16 février 2012

Come le onde del mare

Pendant que certains se les pèlent au pôle nord à des températures inférieures à zéro, nous on grelotte un petit peu mais après deux semaines à 5 dégrés et deux grammes de neige dans les villages avoisinants, revoilà le soleil et un air plus doux, à 12°.







Niveau études, j'ai passé mon premier examen avec succès (histoire du cinéma italien), très bien avec félicitations du jury ("trenta e lode" italien). Je ne pensais pas ça possible pour une erasmus. J'ai décidé de passer deux autres examens dont je n'ai pas suivis les cours, ça s'avère plus difficile: philosophie du langage et sociologie des biens culturels. En ce moment c'est la période d'exams, je n'ai donc pas cours. Le deuxième semestre recommence début mars.

Je n'avais pas parlé du projet "traduire pour la scène" organisé par une prof de la fac de langues et l'alliance française de Bari. Nous sommes une équipe d'une vingtaine de traducteurs avec la mission de traduire une pièce de théâtre du français vers l'italien. En l'occurrence il s'agit d'une pièce sur la vie de la poétesse russe Marina Tsvetaïeva dans les dernières années de sa vie. Si tout se passe bien notre traduction devrait pouvoir être publiée, puis mise en scène par une réalisatrice de Bari, Teresa Ludovico. En bonus, la rencontre au mois d'avril avec l'auteure Véronique Olmi qui a écrit Le passage en 1995.
Un extrait qui me plaît bien:


MOUR. Un poète heureux! L'idée même vous répugne!
MARINA. Le bonheur! Le bonheur! Mais je l'ai cherché, moi, le bonheur! A quatre pattes! Des heures entières pour dénicher un trèfle à quatre feuilles! Le bonheur c'est ce que mangent les vaches.
MOUR, repoussant son assiette. Elles ont de la chance... Il y a de la cendre dans mon assiette, Marina Ivanovna...


Autre projet réjouissant: le BIFEST, à partir du 24 mars. Festival de cinéma à Bari, troisième édition, sous la présidence de... Ettore Scola! J'ai fait ma demande pour pouvoir faire partie du jury d'un section Panorama. Selon ma prof de ciné j'ai des chances d'être prise ayant fréquenté un cours de cinéma italien, mais j'ai peu d'espoir étant donné qu'il y a eu plus de 300 demandes pour 50 places. A voir fin février.

Je m'épanouis toujours autant dans les découvertes culturelles. Toujours plus de musique, si vous avez le temps:
-des Pouilles: René Aubry (Salento), Caparezza, U'papun, Faraualla, Bandabardo', Folkabbestia, Alessio Lega (qui a traduit Brel, Ferré, Brassens, et.. Leprest!), Domenico Modugno, Rhomanife...
-d'Italie en général: Mannarino, Petra Magoni, Capossela, Lucio Dalla, Gianmaria Testa, Francesco de Gregori, Max Gazze, Tre alegri ragazzi morti, Fred Buscaglione...


Et je visionne de plus en plus de films, dont un chef d'oeuvre d'Antonioni: Blow up, le film à scandale de Pasolini (Salo' ou les 120 jours de sodome) vraiment à éviter autour des repas, l'Otto e mezzo de Fellini (d'une poésie et misogynie déroutantes), les films d'ouverture et fermeture théoriques de la comédie à l'italienne, tous les deux de Monicelli (respectivement: I soliti ignoti, Amici miei), I mostri à savourer dans la même lignée que I nuovi mostri, Dino Risi mon idole, et puis d'autres plus récents et moins cultes dont: La vita facile avec le charmant Stefano Accorsi et un happy end exceptionnellement agréable, Passione un documentaire inédit sur la chanson napolitaine (avec une reprise et mise en scène de Don Raffaè de De Andrè admirable), l'émouvant Si puo' fare de Giulio Manfredonia qui m'a clairement réconcilié avec le célèbre Claudio Bisio(cf: Benvenuti al Sud/Nord), L'arca Russa de Sokurov que j'ai apprécié surtout pour sa prouesse technique (film réalisé en un seul plan séquence de 96 minutes).






Je suis allée deux fois au théâtre mais j'ai été déçue des représentations. J'ai découvert qu'il était possible de récupérer des billets gratuits pour aller au théâtre réservés aux étudiants de lettres ainsi que des entrées pour des concerts de musique classique. Je devrais réussir à entrer dans le Petruzzelli un de ces jours... à suivre.